Frédéric Dard envoie cette lettre au Docteur Locard accompagnée de son dernier livre qu’il ne cite pas (il peut s’agir de La Crève ou de La mort des autres qui ont tous deux paru au 2ème trimestre 1946) en lui demandant ce qu’il en pense.
Il faut savoir qu’Edmond Locard a toujours soutenu Frédéric Dard en lui manifestant son admiration pour plusieurs romans précédents (voir les lettres du 2 avril 1942 pour Equipe de l’ombre, 15 octobre 1943 pour Le norvégien manchot, 10 juillet 1944 pour Croquelune et 7 janvier 1946 pour Saint-Gengoul).
Il demande aussi à ce criminologue averti des renseignements sur les juges et la possibilité de rencontrer des prisonniers. Dès 1946, on constate que l’écrivain est « attiré par le monde de la criminalistique ». Comme il l’écrira quelques années plus tard dans un de ses livres, « L’homme penche toujours du coté où il va tomber. »
Texte de cette lettre :
Cher Docteur,
J’ai le plaisir de soumettre une fois de plus à votre indulgente critique mon petit dernier, en m’excusant peut-être pour le pessimisme qu’il contient.
Et comme je ne puis demeurer plusieurs mois sans vous importuner par mes requêtes je profite de la circonstance pour implorer de votre bienveillance et de votre autorité une faveur et un conseil. Voici ce dont il s’agit.
Je voudrais me documenter largement sur les prisons et comme je suis un des rares fils de ce siècle à n’y avoir jamais mis les pieds, je désirerais visiter St-Paul ou St Joseph.
J’ai bien entendu immédiatement songé à vous. Par ailleurs je souhaite me tuyauter sérieusement sur le métier de juge d’instruction. Il doit exister des ouvrages là-dessus et comme vous savez tout je vous demanderais de bien vouloir m’éclairer sur ce point.
Je me crois – ô prétention humaine – assez vieux pour m’attaquer à un livre sérieux. On ne peut pas passer sa vie à débuter. Je suis d’une façon inquiétante attiré par la criminalistique et j’espère mener à bien une idée originale relative à ce domaine.
Merci de tout coeur, bon Docteur, et pardonnez à votre poulain
Frédéric Dard
13 mai 1946
On notera sur cette lettre les adresses de Frédéric Dard : en haut, son adresse personnelle 4, rue Calas où il vit avec Odette et en bas, l’adresse des bureaux des Editions de Savoie, 4, rue Lanterne.
Edmond Locard lui répondra sans tarder dans une lettre datée du 16 mai 1946.