C’est le Spécial Police n° 253 vendu au prix de 2,40 NF à l’époque.
En cette veille de Noël, la nostalgie submerge Albert Herbin, tout juste sorti de prison, moral en berne. Alors comment pourrait-il ne pas être ébloui par le charme de la frêle et si jolie Mme Dravet ? D’autant que la jeune femme a l’air de le trouver à son goût.
Pour se rendre chez la belle, il faut emprunter un drôle d’ascenseur : un monte-charge. Mais au pied du sapin l’attend un drôle de cadeau, le mari dans une mare de sang!
Mme Dravet joue la veuve éplorée à la perfection, un peu trop peut-être… Une effroyable mécanique vient de se mettre en branle…
Que dire de ce roman, si ce n’est que c’est du beau roman noir comme on les aime, avec l’adéquation parfaite : femme fatale, homme désabusé qui se trouve au mauvais endroit, au mauvais moment, le tout, emballé dans une superbe intrigue. C’est si bien écrit que les images défilent sous nos yeux. On imagine sans peine cette femme trop belle, feignant la surprise, la détresse, nimbée dans une robe noire, une larme au coin des yeux, qui n’est en fait qu’un être purement machiavélique. Alors qu’il dépeint des personnages sombres, pervers et manipulateurs, Dard est si talentueux que ses héros les plus affreux nous sont presque sympathiques, que les crimes les plus sordides sont des purs chefs-d’œuvres. Les femmes y sont toujours décrites comme des créatures magnifiques qui perdent les hommes sur leur passage, les hommes y sont des pauvres pantins, qui ne comprennent qu’à la fin qu’ils ont été dupés… Les coups de théâtre n’ont rien d’invraisemblables. Ils sont juste l’aboutissement d’une intrigue savamment orchestrée, qui nous laisse admiratif devant tant de talent et d’humilité.
Si pour Hitchcock au cinéma le crime parfait n’existe pas, se peut-il que Frédéric Dard, ait, quant à lui, imaginé le crime parfait ?
Extrait du blog de Foxy « dard-ling » Lady
Une nouvelle édition, commercialisée à 2.40 NF a vu le jour pour célébrer le film éponyme sorti le 4 mai 1962 dont l’adaptation et les dialogues ont été faits par Frédéric Dard et Marcel Bluwal.
Curiosité : Il existe 2 éditions cinéma dont une très rare avec une date d’achevé d’imprimer
Il s’agit d’une des meilleures adaptations d’un ouvrage de Frédéric Dard, en tous les cas une des plus fidèles. L’ouvrage a été publié en 1961, un peu à la fin de la période très féconde des petits romans noirs de Frédéric Dard publiés dans la collection Spécial-Police. L’histoire est extrêmement simple, linéaire. La nuit de Noël, Robert Herbin qui vient de sortir de prison, il avait été condamné pour un crime passionnel, et il se retrouve seul. Sa mère est décédée pendant sa détention. Il n’a guère de perspective dans cette ville de banlieue. Mais le destin va en décider autrement lorsqu’il rencontre une jeune femme accompagnée de sa fillette. Elle est mariée et entraîne Robert chez elle où elle va découvrir son mari assassiné.
Robert va lui dire qu’il ne peut lui servir de témoin car il est interdit de séjour dans la ville. Pour cette raison, il s’enfuit, et la jeune femme va chercher un autre témoin lors de la messe de minuit. Mais la police commence a trouver toute cette histoire bizarre et enquête notamment parce qu’Adolphe Ferrie a égaré son portefeuille chez la jeune femme. En vérité c’est la jeune femme qui a tué son mari, et elle cherche un alibi. C’est pour cela qu’elle a voulu utiliser Robert. Mais elle a bien des scrupules car entre temps elle a appris à l’aimer. Tout cela finira très mal pour tout le monde. Et si le titre est Le monte-charge, c’est parce que celui-ci va jouer un rôle de premier plan dans la machination.
Noël était une fête détestée par Frédéric Dard, non pas parce qu’elle était conventionnelle, plutôt par tout ce qu’elle racontait sur la déception des enfants et de leurs attentes. Les récits de Dard sur la Noël sont très nombreux, la trame du Monte-charge sera reprise par Dard sous le nom de Jean Murelli dans un autre excellent ouvrage : Les noirs paradis. Mais Le monte-charge c’est également la tragédie d’un enfant pauvre qui n’est pas arrivé à se faire admettre dans les classes supérieures. Le roman est écrit à la première personne, dans ce ton très particulier à Frédéric Dard où le désespoir s’accorde à la mélancolie, où l’amour – tel que le reçoivent Marthe et Robert – est vécu comme une maladie qui tue plus ou moins rapidement.
Ce qu’il y a d’un peu particulier dans cette histoire, c’est l’alliance d’un suspense à la mécanique bien huilée et la profondeur psychologique des personnages qui par-delà leurs tendances criminelles possèdent beaucoup de tendresse et de poésie.
On préférera le livre au film, pour une raison qu’on a dite au-dessus, il est écrit à la première personne et c’est ce qui donne une sorte de profondeur psychologique à l’ouvrage. Si les deux œuvres sont bien dans la lignée du roman noir et du film noir par ce rappel de la fatalité dans laquelle plonge Robert avec délectation, ce sont les méditations mélancoliques du héros qui donne ce caractère si poétique au livre. Par exemple, dans le film on passe assez vite sur le fait que Robert achète un petit oiseau dans une librairie-papèterie-bazar. Or c’est un moment clé de l’ouvrage, non pas parce que l’oiseau va jouer un rôle dans l’intrigue, mais par ce qu’il donne à voir du caractère de Robert.
Ce n’est pas, selon moi, le meilleur ouvrage que Dard ait signé de son patronyme dans la collection « spécial police », mais c’en est un très bon, et en le relisant, je suis toujours autant surpris par le style simple et inimitable de l’écriture. Ecrit au passé composé, les phrases sont courtes, sans répétition de mots entre les paragraphes, sans métaphores superflues. Cette économie de mots libère d’ailleurs l’écriture de Dard qui peut aller au détail significatif sans trainer, sans ralentir le rythme de l’histoire. La relecture de cet ouvrage nous donne une fois de plus l’occasion de déplorer le fait que seuls les San-Antonio soient aujourd’hui considérés comme un apport important au style. En effet, le style que Dard a mis au point en écrivant ses petits romans noirs pour le Fleuve noir, n’est pas spectaculaire, ni ronflant, et c’est pour cela qu’on ne remarque pas sa puissance et son efficacité.
Extrait du Blog d’Alexandre Clément
Ce roman est l’un des 7 choisis par Omnibus pour sa compilation publiée en 2014 sous le titre évocateur Romans de la nuit .