Avec ce roman grand format 13cm x 21 cm de 442 pages, Frédéric Dard aborde un genre nouveau : le grand roman populaire, le grand roman d’action auquel Eugène Sue a donné ses lettres de noblesse. C’est afin de bien marquer sa volonté « feuilletonnesque » que Dard a intitulé son livre « Les Derniers Mystères de Paris ».
Mais malgré sa résolution « d’écrire long », il n’a pas pu s’empêcher de « faire du Frédéric Dard », c’est-à-dire d’aller jusqu’au tréfonds, jusqu’à l’extrême limite de ses personnages.
L’extraordinaire histoire qu’il nous raconte ici est écrite dans ce style particulier, à la fois âtre et bon qui caractérise l’œuvre de l’auteur des Salauds vont en enfer.
Dard aime les hommes, et il a pitié d’eux, cela se sent dans chacune de ses lignes. L’un des personnages des « derniers Mystères de Paris » , le principal peut-être, ne déclare-t-il pas : « Je déteste les gens, mais j’aime les hommes » ?
Ce personnage, irrésistiblement, nous fait penser à Dard lui-même, car c’est un contemplatif, c’est un tendre, un doux, un philosophe… tout comme Dard qui n’a, semble-t-il, pour seule force que son travail précisément.
Si la plupart des personnages des « derniers Mystères de Paris » semblent enlisés dans le vice et accablés par une perfide fatalité, nous comprenons, au fil des pages, qu’ils possèdent chacun leur vraie lumière, leur rédemption.
Ils accomplissent un destin que, seules, les circonstances ont rendu maléfique ; mais qui reste toujours, et quels que soient les hasards, un destin d’homme.
Avec ce livre, Frédéric Dard va plus loin dans le chemin tortueux des âmes. Tout en nous captivant par une action aux incessants rebondissements, nous sentons qu’il nous conduit infailliblement là ou il veut, c’est-à-dire à une plus large compréhension de l’humanité.
« Il n’y a pas de vice, affirme Montherland, il n’y a que des goûts différents. »
Dard aurait dû placer cette phrase en exergue à cet ouvrage copieux.
Un livre que vous lirez rapidement, peut-être ? Mais que vous mettrez beaucoup de temps à oublier !
Dédicace: Pour PATRICE
et pour ELISABETH
un jour…
F.D.
Citation :
Tout est factice, sauf cet instant de bonheur.
Morvan LEBESQUE
Eugène Sue, Léo Malet, Frédéric Dard, Roland C. Wagner et leurs Mystères: un quatuor d’écrivains qui choisirent Paris comme lieu géométrique de toutes les terreurs et du mystère.
Les derniers Mystères de Paris a été écrit en hommage au roman d’Eugène Sue publié en 1843 » Les Mystères de Paris ».
Léo Malet avait entamé en 1954 sous le titre générique « Les nouveaux Mystères de Paris », un cycle de romans avec comme héros le détective Nestor Burma qui comportera quinze aventures qui se déroulent toutes dans un arrondissement différent de Paris, entièrement et uniquement dans ce périmètre strictement défini par le titre. Ainsi, « Brouillard au pont de Tolbiac » est circonscrit au 13ème arrondissement tandis que « Les eaux troubles de Javel » se passe dans le 15ème arrondissement.
Enfin, Roland C. Wagner a démarré en 1996 une série de romans sous le titre générique « Les futurs Mystères de Paris ». La sortie en 1996 de La Balle de Néant, premier tome réédité chez l’Atalante, du (futur) cycle des Futurs mystères de Paris (en références à Eugène Sue, Léo Malet et Frédéric Dard) fut une des heureuses surprises d’alors dans un paysage SF francophone assez atone. Préfigurant une mode du polar-sf qui bat actuellement son plein, Roland Wagner crée, avec le personnage de Tem, une figure de private eye unique au monde puisque affublé d’un handicapant « talent » de « transparence ». À elle seule, cette idée est un trait de génie comique et littéraire et une contrainte étonnante en termes de menée du récit policier car elle implique de mobiliser un brio parfois quasiment oulipien.
Malgré sa qualité, cet ouvrage remarquable de Frédéric Dard se vendit très mal probablement à cause du titre qui désorienta les lecteurs.
Sa réédition en 1972 sous le titre plus accrocheur « Mausolée pour une garce » eut nettement plus de succès.
Résumé
Agnès, une sublime garce, manipulatrice de génie, tente de faire assassiner par Hervé, son jeune amant, son ex-mari Lucien, avocat devenu clochard depuis qu’elle l’a quitté en emmenant leur fille. Eva a aujourd’hui dix-huit ans et, à la mort de Lucien, Agnès doit toucher une prime d’assurance qui les gardera à jamais du besoin, elle et sa fille, sa seule faiblesse. Hervé ne parvient pas à tuer sa victime avec laquelle il fraternise et au premier regard, il tombe amoureux d’Eva qui tente pourtant de repousser en elle tout ce qui ressemble à sa mère. Les années soixante grondent, les truands à l’ancienne vivent leurs derniers beaux jours et les jeunes gens se révoltent. Lucien revient près de sa mandragore, mais finalement une petite infirmière décide du dernier souffle de la garce.