Roman de 418 pages de format 15,5 X 24
Achevé d’imprimer en septembre 1981
Pas de prix
Photos 1er et dernier plat : P. Magaud – Photos LOOK
Dédicace : Pour Françoise,
à qui j’ai écrit ce livre.
Citations en début de livre
Toute leçon, il est vrai, parait, sur le moment,
un sujet de tristesse, non de joie ; mais elle
procure plus tard, à ceux qu’elle a formés, le
bonheur de paix et permet de devenir des justes.
Héb. XII, 11
Qu’il vive !
Qu’il vive !
Qu’il vive et soit heureux
Ce sont là nos vœux.
(Chanson populaire suisse)
Tout écrivain digne de ce nom
Doit pouvoir parler et écrire de tout.
Professeur Schwartzenberg
On trouve aussi une introduction intéressante de l’auteur :
La politique vue par San-Antonio : tous les coups sont permis !
Livre fastueux, sulfureux et violent écrit dans un style qui l’est tout autant, Les clefs du pouvoir sont dans la boîte à gants nous montre une galerie de personnages du monde politique, avec au centre, le président Horace Tumelat (initiales HT… l’est-il vraiment ?) et autour de lui, ceux qui gravitent, certains inertes et vénéneux, d’autres détestables et ignominieux.
Avec ce livre, je crie : « Au secours ! »
Frédéric Dard
La politique vue par San-Antonio, c’est pas jojo.
Horace Tumelat Président du R.A.S. est un politicien tumultueux qui pourrait être le prochain Président de la République (l’action se passe pendant la campagne de 1981), mais celui-ci doit composer avec sa vie privée et celle de son entourage : son secrétaire Eric Plante trainé dans la boue à cause de son inexpérience politique (Plante est un ancien photographe) et de ses moeurs (homosexualité) par la journaliste-pamphlétaire Eve Mirace (nom de famille Miracle), son ancienne secrétaire-maîtresse Ginette Alcazar qui a tenté il y a un an de tuer la jeune maîtresse-fiancée de Tumelat, Noëlle Reglisson 17 ans (celle-ci garde de l’agression des brûlures au visage) en mettant le feu à l’endroit où il se rencontraient se meurt d’un cancer et sa femme qui n’est pas décidée à divorcer, à renoncer à son amant pour reprendre sa place de légitime…
Ce roman est la suite de Y a-t-il un Français dans la salle?. Dans sa préface, l’auteur précise qu’il n’est pas nécessaire de lire le roman précédent pour aborder la lecture de celui-ci et c’est vrai car si l’action se déroule un an après les faits du premier roman, San-Antonio ne laisse jamais le lecteur en plan et plusieurs fois dans le récit rappelle les faits qui se sont passés l’année précédente.
Il y a ceux qui pensent que San-Antonio n’est qu’un auteur de polars où l’humour, la gaudriole, la violence cohabitent avec une certaine folie absurde et un langage inventif, certes c’est vrai, mais c’est aussi un Grand Ecrivain qui dresse dans ce livre un portait au vitriol de la politique du pouvoir, des médias, de la société. Si le livre n’est pas signé Frédéric Dard (San-Antonio étant le pseudonyme qu’il utilise pour les aventures du commissaire éponyme), c’est que depuis « Y a-t-il un Français dans la salle? », il a décidé de signer tout ses romans San-Antonio et de « fusionner » ses deux styles. On pense souvent à Céline pour sa critique corrosive de la société et l’humour vachard, mais un Céline qui croirait encore à quelque chose, un Céline qui n’aurait pas perdu (toutes) ses illusions.
5 étoiles parce qu’on ne peut pas mettre plus.
Critiqué par Killeur.extreme, le 29 janvier 2014
Sur plus de 400 pages écrites petit, l’auteur donne libre cours à une plume qui, si elle porte bien, formellement, la marque de fabrique de Frédéric Dard, s’éloigne quelque peu, dans le propos, de ce que fait d’habitude l’auteur de Bourgoin-Jallieu. Preuve que sa manière d’écrire ne se prête pas qu’à la gaudriole…
Quelles sont ces habitudes d’écriture? On les soupçonne, intuitivement : une inventivité verbale délirante et revendiquée (en particulier le refus des verbes essentiellement pronominaux, régulièrement amputés), l’interpellation du lecteur comme pour trouver une confirmation de son propos, la juxtaposition parfois audacieuse de tous les registres de langage, des portraits bien campés, des sentiments, du sexe même. Mais alors que l’on s’étripe et qu’on s’étreint plutôt joyeusement dans d’autres opus, «Les clefs du pouvoir sont dans la boîte à gants» est empreint d’une dominante amère, sérieuse, «adulte» et sombre, montrant une galerie d’humains au mieux apathiques, au pire détestables. Le tout, dans le contexte particulier des mois qui ont précédé (et suivi) l’accès de François Mitterrand à la présidence de la république française.
Vu le titre, cet ultime détail a son importance. La lente partie d’échecs que met en scène l’écrivain s’apparente en effet à la quête du pouvoir par tout un chacun, mise en scène dans un souci permanent d’ouvrir les placards pour y découvrir des cadavres. Meneur de jeu, le Président, Horace Tumelat, est un presque-vieillard manipulateur, dominateur, à la personnalité complexe et odieusement fascinante – un politicard au sens fort du terme, capable de retourner en sa faveur les situations les plus compromises a priori : débats télévisés, scandales en gestation. Les initiales d’Horace Tumelat (HT) laissent à penser qu’il est un vendu, mais cela n’est jamais affirmé… Face à lui, se trouve son épouse Adélaïde, délaissée, mais également désireuse d’arriver à ses fins : obtenir le divorce. Le personnage fantoche qu’agite Horace Tumelat s’appelle Eric Plante. Figure aux préférences sexuelles hésitantes, fil rouge et nœud (coulant) du récit, il révèle sa folie tout au long du roman, ainsi que son caractère viscéralement sadique.
Qui sont les masochistes? On retrouve là les figures féminines du récit, presque systématiquement ramenées à un état d’objet. Il y a d’abord Eve, journaliste à la langue de vipère réputée, figure riche : prompte à vitupérer dans les colonnes du journal auquel elle émarge, elle finira sous le charme d’Eric, qui la manipulera, entre autres en envoyant des courriers anonymes compromettants à ceux qu’il faut – ou en la livrant aux assauts sexuels de tiers inconnus. L’autre victime consentante s’appelle Noëlle. Jeune amante de Tumelat, grande brûlée, elle finit par vivre comme le défunt chien domestique de celui-ci. Dans un élan mystique, Noëlle finira par se prosterner devant la défunte secrétaire et amante d’Horace Tumelat; Eve, femme de (quatrième) pouvoir, s’en sortira mieux, en éliminant Eric Plante afin, peut-être, de donner un nouveau sens à sa vie, plus sain. Voire plus saint…
… car la subversion touche également au domaine religieux, sous-jacent voire affleurant dans tout le roman. Cela passe par des jurons régulièrement proférés par l’un ou l’autre personnage, ou par le personnage de l’aumônier des prisons, homme pragmatique mais à la foi parcimonieuse. On peut également voir en Horace Tumelat un démiurge: homme qui s’est fait tout seul, il a ses créatures: Eric Plante, qu’il fait élire député (nommé «Fiston» à plusieurs reprises, comme s’il s’agissait d’un Christ de paille); Noëlle bien sûr, qu’il couve et considère comme un ange (de Noël) tout en la traitant comme la «bête du Seigneur». D’autres choix rédactionnels, par exemple les prénoms de certains personnages (Eve, en particulier, mais aussi Marie, ancienne copine d’Eric, qu’il cède à son père (qui finit par l’épouser en secondes noces contre une motocyclette), l’attachement de la famille d’Adélaïde aux valeurs catholiques ou les titres des quatre parties du roman (quatre Evangiles?), suggèrent une lecture subversivement biblique.
Enorme? Inattendu, en tout cas, de la part de San-Antonio, soudain présenté comme «sadique et pathétique». Rédigé au point de croix alors que l’auteur privilégie généralement la brosse et les grands traits, cet ouvrage complexe révèle, de la part de l’auteur, une vision foncièrement pessimiste et noire de l’humain : chacun, dans ce roman, est un loup pour l’autre. Que sont ces clés du pouvoir, alors? La corde de pendu qu’Eric Plante ramène chez lui en voiture, rangée dans la boîte à gants, pourrait être la métaphore des clés du paradis. Affaire à creuser…
Publié par Daniel Fattore dans Défi Frédéric Dard
Ce livre a été réimprimé 2 fois au Fleuve Noir en octobre 1981 et il a été aussi réédité au Fleuve Noir en avril 2012, mais aussi chez France Loisirs en mars 1982 (4 réimpressions entre juin et décembre 1982).
Il a aussi été édité chez Presses Pocket en format de poche en décembre 1983 (1 réimpression en 1986), puis réédité toujours chez Presses Pocket en 1990, puis une dernière fois en 1995. ( voir détails dans commissaire.org)
Enfin, il a été republié dans une compilation au Fleuve Noir en 2015 intitulée Y a-t-il un français dans la boite à gants? contenant ce roman et Y a-t-il un français dans la salle?
Suite au succès du film de Mocky Y a-t-il un français dans la salle?, un film fut envisagé pour Les Clefs du pouvoir sont dans la boîte à gants, mais ce projet ne vit jamais le jour.