Chers amis de Frédéric Dard, bonjour
Vous appréciez tous le talent de romancier de Frédéric Dard, mais je voudrais attirer votre attention dans cette newsletter sur son aisance remarquable en tant qu’épistolier au travers de quelques lettres écrites à différentes périodes de sa vie.
L’analyse de ces missives permet aussi de mettre en évidence quelques traits de caractère de Frédéric.
Commençons d’abord par deux lettres envoyées en 1943 et 1944 à Clément Bouvetier :
Frédéric, rédacteur en chef du journal Dimanche et codirecteur des Editions de Savoie à 23 ans, est heureux et fier de montrer à son ancien professeur de français qu’il a réussi. En témoignent ces deux extraits :
Lettre du 7 septembre 1943 : « Je me démène beaucoup au sujet de mon affaire, laquelle je suis heureux de vous l’apprendre, réussit pleinement.
Mon bouquin a obtenu l’autorisation tant désirée. Il est composé et la semaine prochaine très certainement notre imprimeur l’installera sur ses presses. Je tire à huit mille exemplaires. Ils sont déjà tous vendus. »
« J’ai eu une grande joie en me voyant en nouvelle dans Candide. C’est un journal très hermétique et je connais beaucoup de « noms connus » qui s’y sont brisé la plume. »
Lettre du 22 novembre 1944 : « Ce papier à en-tête foudroyant va vous révéler en deux couleurs l’ère nouvelle dans laquelle je pénètre. Comme vous, j’ai – ainsi que les miens – traversé la Tourmente et, après avoir essuyé maint coup de feu je me retrouve avec un nouvel associé à la tête d’une maison d’édition florissante, et me voici rédacteur en chef de ce Dimanche, né de la libération, le seul journal littéraire de la région, qui doit d’après les bordereaux de Hachette être également diffusé à Marseille. »
On peut aussi y lire la conception qu’il a du mariage un an après qu’il se soit marié avec Odette :
« Se marier est une expérience amusante à faire je vous assure et qui ne correspond à aucune autre curiosité de l’amour. Evidemment !!!… mais on s’habitue à tout y compris à la même femme, c’est une question d’endurance, une fois que le rythme est pris cela fonctionne à peu près. Et lorsqu’on fait la balance je crois que le solde doit être créditeur. » (extrait lettre du 7 septembre 1943)
tout en admettant avec franchise, un an après, des coups de canif dans le contrat :
« J’ai failli divorcer pour une catastrophe sentimentale que ma femme a eu la grandeur d’âme de me pardonner. Et tout en écrivant à la cadence de cinq pages par semaine un bouquin pour le moins aussi gros que « Autant en emporte le vent » je regarde grandir mon fils. » (extrait lettre du 22 novembre 1944)
Dans une lettre adressée le 7 mai 1980 à son ami journaliste Marc Perry à propos de la profanation de la tombe de Paul Claudel, Frédéric nous livre sa vision du monde.
Autre exemple de la facilité d’écriture de Frédéric, la lettre signée San-Antonio du 7 juin 1982 adressée à René Boviatsis, auteur du remarquable livre L’humanisme de San-Antonio.
Admirez comment il se sort habilement de sa méprise de l’avoir prise pour un homme.
L’examen de la correspondance avec Jean-Jacques Bricaire, administrateur et directeur du Théâtre Marigny, entre fin août et début octobre 1987, révèle à la fois la générosité de Frédéric (il l’invite au mariage à Rome de son beau-fils, lui fait un petit chèque, lui offre un cadeau) et la façon qu’il a de traiter des affaires (il voudrait placer sa pièce de théâtre Baby-meurtre).
Les lettres peuvent aussi être une source d’information irréfutable comme en témoigne cette petite missive très intéressante de Frédéric Dard à Frédéric Valmain. A sa lecture, il devient difficile d’imaginer que Frédéric Valmain ait été un prête-nom de Frédéric Dard.
Je vous invite aussi à lire d’autres lettres de Frédéric ou écrites à Frédéric par des écrivains et personnalités telles que Georges Simenon, Jean Cocteau, Edmond Locard, James Hadley Chase, Michel Audiard, Roger Peyrefitte, Boileau-Narcejac dans la rubrique Correspondances du site.
Je voudrais terminer cette newsletter en vous signalant un conte inédit de Frédéric Dard écrit en 1942 et qui nous avait échappé lors de l’écriture du Berceau d’une Œuvre Dard.
Il s’intitule La Paire et a été publié dans un journal local, Le Moniteur Viennois daté du 7 février 1942.
Bonne lecture à tous
Lionel Guerdoux