Carte de visite du Pharmacien Ph. Barrier, qui a acquis le fonds de commerce Strassarino. Ce Mr Barrier, pharmacien aux Abrets (Isère), déposa à Grenoble la marque « Véritable élixir de Virginie Guillet, de La Tour-du-Pin, et de Paul Strassarino ». Le tampon rappelant l’origine de cet élixir figure d’ailleurs au dos de la carte de visite.
Qu’est ce que ça vient faire, me direz-vous, dans le site toutdard ?
Ce, à quoi je réponds en citant un extrait du roman de San-Antonio Des gonzesses comme s’il en pleuvait
On y trouve , en effet, pages 89 et 90, le texte suivant :
« Et parce que je me sens massacreur, soudain, j’ai envie de courir d’écrire d’eux, pour bien les dire tels qu’ils sont, sans rien oublier, mais j’en oublie. J’en oublierai toujours. Ils sont pires ; bien pires. Pires qu’ils m’apparaissent. Leur substance m’échappe, je ne conserve d’eux que des bribes, l’essentiel reste en eux. Faut se cacher, plus les voir. Quand ils écrivent je réponds pas. Ah ! la somptuosité du silence ! S’ils me traquent, je change le sujet coûte que coûte, ou alors les envoie chier avec gros fracas. En leur hurlant qu’ils me brisent les couilles, que cons à un tel point, ils doivent obligatoirement aller se faire sodomiser par n’importe qui, n’importe quoi pourvu que ça soit gros et que ça aille loin. Et quand je parviens à changer le cap de la converse, je les entraîne sur des choses insolites. Je leur parle de Virginie Guillet, de La Tour-du-Pin. Ils croient à une poéteuse à cause de « La Tour-du-Pin », fatal. Je leur explique que Virginie Guillet, faut l’agiter avant l’emploi, la tenir à l’abri du gel. Virginie Guillet, c’est une partie de ma vie. L’étiquette a été modifiée, mais la formule est inchangée. Elle a connu des tribulations, Virginie Guillet (la véritable). Le temps n’est pas simple. Mais elle existe toujours. Elle a eu d’abord pour successeur M. Paul Strassarino, son employé et héritier. Les motivations de ce legs, je les perçois pas en plein, j’imagine, je constate. Paul Strassarino, de Jallieu, tu te rappelleras ? Ensuite, M. Barrier a acquis de l’hospice de Jallieu, qui était légataire universel des époux Strassarino, la marque et la recette de ce produit préparé dans son laboratoire aux Abrets (Isère). Et de nos jours, Virginie Guillet, la grande, la seule, la VÉRITABLE est entre les mains de S. Chabert (comme le colonel) de Saint-André-le-Gaz. Je te donne pas son téléphone, tu serais capable de l’emmerder pour rien.
Oui, ces blêchards malséants, nauséabonds, scatophages, pour les dérouter, que dis-je : les dissiper, je leur raconte la Véritable Virginie Guillet de La Tour-du-Pin. Et puis les époux Strassarino, et maintenant, S. Chabert de Saint-André-le-Gaz (dont cause Daninos dans le Major Thompson, je crois me souvenir). Je leur raconte bien Virginie Guillet, sa présentation, son goût, ses vertus, la manière qu’il faut l’agiter avant l’emploi, cette chérie.
Ils ouvrent de grands yeux. Ils me croient dingue. Et comme je le suis, je prends mon panard.
Un jour, j’écrirai la vie édifiante de Virginie Guillet. En attendant, gaffez-vous des contrefacteurs (ils sonnent toujours deux fois). Et souvenez-vous que la dose à administrer varie selon la taille et l’âge du sujet. »
On ne peut qu’être admiratif de l’excellente mémoire de Frédéric Dard, qui se souvient après plus de 50 ans après, de l’histoire successorale de ce fameux élixir !
Le journal La Croix du 1937/05/19 (Numéro 16643) relate d’ailleurs un procès intenté à Mr Barrier par Ernest Guillet, un neveu déshérité de Virginie Guillet.
Cet élixir recommandé pour soigner les troubles fonctionnels digestifs a la vie longue puisqu’on peut encore le trouver aujourd’hui en parapharmacie.
Un grand merci à Jean-Paul Bouvard, admirateur de Frédéric Dard, qui a retrouvé cette vieille carte de visite dans les papiers de ses parents et a eu la gentillesse de m’en faire parvenir le scan.